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vrit les yeux. Au-dessus de lui était encore le haut ciel avec les nuages flottants qui se soulevaient encore plus haut et, à travers lesquels, s’apercevait l’infini bleuâtre. Il ne tournait pas la tête et ne voyait pas ceux qui, à en juger au bruit des sabots et des voix, s’approchaient de lui et s’arrêtaient.

Les cavaliers qui s’approchaient étaient Napoléon et deux aides de camp. Bonaparte, en parcourant le champ de bataille, donnait les derniers ordres pour fortifier les batteries qui tiraient sur la digue d’Auhest, et il examinait les morts et les blessés qui restaient sur le champ de bataille.

De beaux hommes, — dit Napoléon en regardant un grenadier russe tué, qui, le visage enfoncé dans le sol et la nuque noircie, était couché sur le ventre, une main déjà raidie, rejetée au loin.

Les munitions des pièces de position sont épuisées, sire, — dit à ce moment l’aide de camp qui arrivait des batteries qui tiraient sur Auhest.

Faites avancer celles de la réserve, — dit Napoléon, et, s’éloignant de quelques pas, il s’arrêta près du prince André qui était couché sur le dos, avec la hampe du drapeau près de lui (le drapeau avait été pris par les Français comme trophée.)

Voila une belle mort ! — dit-il en regardant Bolkonskï.

Le prince André comprit que ces paroles