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peut être lui, seul au milieu de ce champ vide », pensa Rostov. À ce moment, Alexandre tourna la tête. Rostov remarqua les traits aimés qui s’étaient gravés si profondément dans sa mémoire. L’Empereur était pâle, ses joues et ses yeux étaient tirés, mais ses traits n’en avaient que plus de charme et de douceur. Rostov était heureux de voir que les racontars sur les blessures de l’Empereur étaient sans fondement. Il était heureux de l’avoir vu. Il savait qu’il pouvait, qu’il devait même s’adresser directement à lui, et transmettre ce que lui avait ordonné de demander Dolgoroukov.

Mais, tel un jeune homme amoureux, qui tremblant et ému n’ose dire ce à quoi il rêve pendant les nuits et regarde effrayé en cherchant l’aide ou la possibilité de l’ajournement ou la fuite quand est venu le moment désiré, quand il est seul, en tête-à-tête avec elle, tel était Rostov ; maintenant qu’il avait ce qu’il désirait le plus au monde, il ne savait comment s’approcher de l’Empereur, et à lui se présentaient mille considérations qui lui montraient que c’était incommode, inconvenant et impossible.

— « Comment ! j’ai l’air d’être heureux de profiter de l’occasion qu’il est seul et triste. En ce moment de chagrin, ce lui peut être désagréable et pénible de voir quelqu’un. Ensuite, que puis-je lui dire maintenant, lorsque, rien qu’à le voir, mon cœur tremble et ma bouche devient sèche ». Pas