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quelques jours qu’il passa à Moscou après la mort du comte Bezoukhov, il faisait mander Pierre, ou venait lui-même chez lui et lui prescrivait ce qu’il devait faire d’un ton fatigué et assuré qui, chaque fois, semblait dire :

« Vous savez que je suis accablé d’affaires et que ce n’est que par pure charité que je m’occupe de vous, et puis vous savez bien que ce que je vous propose est la seule chose faisable. »

— Eh bien, mon ami, demain enfin, nous partons, lui dit-il une fois en fermant les yeux, en promenant ses doigts sur le bras de Pierre, et d’un tel ton qu’on eût dit que c’était chose convenue entre eux depuis longtemps et qu’il n’en pouvait être autrement. — Demain nous partons, je te donne une place dans ma voiture. Je suis très heureux. Ici, chez nous, tout l’essentiel est fait. Quant à moi, je devrais être de retour depuis longtemps. Voici… j’ai reçu du grand chancelier… je lui ai parlé de toi et tu es attaché au corps diplomatique et nommé gentilhomme de la chambre ; maintenant la voie diplomatique t’est ouverte.

Malgré l’expression de fatigue et d’assurance avec laquelle étaient prononcées ces paroles, Pierre qui avait réfléchi si longtemps à son avenir, voulait objecter quelque chose, mais le prince Vassili l’interrompit de cette voix basse et roucoulante qui excluait toute possibilité d’interrompre ses