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core avant de s’approcher des hussards, quelques aides de camp lui apportèrent la nouvelle de l’heureuse issue de l’affaire.

Le combat, qui consistait seulement en ce qu’un escadron français était pris, fut présenté comme une brillante victoire sur les Français, et c’est pourquoi, l’empereur et toute l’armée, surtout avant que la fumée de la poudre du champ de bataille ne fût dissipée, crurent que les Français étaient vaincus et qu’ils reculaient par force. Quelques minutes après le passage de l’empereur on manda en avant la division des hussards de Pavlograd. Rostov vit encore une fois l’empereur à Vischau, petit village allemand. Sur la place du village, où, avant l’arrivée de l’empereur, avait eu lieu une fusillade assez forte, il y avait quelques soldats blessés et tués qu’on n’avait pas encore eu le temps de relever.

L’empereur, entouré de sa maison militaire et civile, montait une jument alezane, tout autre que celle qu’il avait à la revue, et, un peu incliné en côté, portant à ses yeux, d’un geste gracieux, la lorgnette d’or, il regardait un soldat étendu, sans casque et la tête ensanglantée. Le blessé était si sale, si grossier, si laid, que Rostov était choqué qu’il fut si près de l’empereur. Rostov vit les épaules de l’empereur frissonner comme sous l’influence du froid, son pied gauche éperonner nerveusement le flanc du cheval, tandis que le cheval,