Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute la bouteille de rhum sans l’ôter de ma bouche, et que je la boirai assis à l’extérieur de la fenêtre, voilà, à cette place (il se pencha et indiqua le rebord saillant du mur derrière la fenêtre), et que je ne me tiendrai à rien… c’est bien ça ?…

— Très bien, dit l’Anglais.

Anatole se tourna vers l’Anglais, le prit par le bouton de son habit, et, le regardant de haut (l’Anglais était de petite taille), en anglais, lui répéta les conditions du pari.

— Attends, cria Dolokhov en frappant la bouteille sur la fenêtre pour attirer l’attention à lui, attends Kouraguine. Écoutez. Si quelqu’un fait la même chose, je parie cent impériales… Compris ?

L’Anglais fit un signe de tête d’où l’on ne pouvait nullement conclure qu’il eût l’intention d’accepter ou non ce nouveau pari. Anatole ne lâchait pas l’Anglais et, bien que celui-ci, par des signes de tête, lui donnât à savoir qu’il comprenait tout, il lui traduisait en anglais les paroles de Dolokhov.

Un jeune garçon maigre, en hussard, qui avait perdu souvent à cette soirée, grimpa sur la fenêtre, se pencha et regarda en bas.

— Hou… hou ?… fit-il en regardant derrière la fenêtre sur le trottoir.

— Silence ! cria Dolokhov ; et il tira de la fenêtre l’officier qui, s’embarrassant dans ses éperons, sauta gauchement dans la chambre.