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— Non, promettez, promettez, Basile, — dit derrière lui Anna Mikhaïlovna avec un sourire de jeune coquette qui autrefois, probablement lui était habituel, et qui maintenant allait si mal à son visage fané. Elle oubliait évidemment son âge et mettait en jeu, selon l’habitude, tous ses anciens moyens de femme. Mais aussitôt qu’il sortit, son visage reprit la même expression froide, feinte, qu’elle avait auparavant. Elle retourna dans le groupe où le vicomte continuait à raconter, et de nouveau feignit d’écouter, en attendant le moment de partir au plus vite, puisque maintenant son affaire était faite.

— Eh bien ! Mais comment trouvez-vous toute cette dernière comédie du sacre de Milan ? — dit Anna Pavlovna. — Et la nouvelle comédie des peuples de Gênes et de Lucques, qui viennent présenter leurs vœux à M. Buonaparte assis sur un trône et exauçant les vœux des nations ! Adorable ! Non, mais c’est à en devenir folle ! on dirait que le monde entier a perdu la tête.

Le Prince André sourit en regardant en face le visage d’Anna Pavlovna.

— « Dieu me la donne, gare à qui la touche, » — dit-il (paroles de Bonaparte lors du couronnement). — On dit qu’il a été très beau en prononçant ces paroles, — ajouta-t-il, et il les répéta en italien : « Dio mi la dona, gai a qui la tocca. »

J’espère enfin, — continua Anna Pavlovna,