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et Rostov sentit, comme dans un rêve, qu’il continuait à galoper en avant avec une rapidité extraordinaire et, qu’en même temps, il restait sur place. Un hussard qu’il connaissait, Bandartchouk, s’élançait sur lui par derrière et le regardait sévèrement. Le cheval de Bandartchouk se cabra puis le dépassa.

« Qu’est-ce donc, pourquoi est-ce que je n’avance pas ? Je suis tombé, je suis tué ! » se demandait et se répondait en même temps Rostov. Il était déjà seul au milieu du champ. Au lieu de chevaux élancés et de dos de hussards, il ne voyait autour de lui que le sol immobile et le chaume de la plaine. Du sang chaud coulait sous lui.

« Non, je suis blessé, mais mon cheval est tué ! » (Gratchik se souleva sur les pattes de devant mais retomba aussitôt en pressant les jambes de son cavalier. Le sang coulait de la tête du cheval. Le cheval se débattait mais ne pouvait se lever. Rostov voulut aussi se lever, mais retomba ; son sabre s’accrochait à la selle.

« Où étaient les nôtres, où les Français ? » il l’ignorait ; autour de lui, personne.

Ayant dégagé sa jambe il se souleva, « Où, de quel côté, est maintenant cette ligne qui séparait nettement les deux armées ? » se demanda-t-il sans pouvoir répondre. « Est-il arrivé quelque chose de mauvais ? Arrive-t-il de pareils accidents, et que faut-il faire alors ? » se demandait-il en se