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de vieillard, ce qui lui donnait l’air très doux, s’approcha du prince Bagration et le reçut comme un hôte reçoit un visiteur très cher. Il rapporta au prince Bagration que les Français avaient dirigé une attaque de cavalerie contre son régiment : « que cette attaque avait été repoussée, mais que la moitié de ses soldats avaient péri. » Le commandant du régiment disait que l’attaque était repoussée en appliquant ce terme militaire à ce qui se passait dans son régiment, mais en réalité, lui-même ne savait pas ce qu’avaient fait en cette demi-heure les troupes à lui confiées, et il ne pouvait dire avec certitude si l’attaque était repoussée ou si son régiment avait été écrasé. Il savait seulement qu’au début, des boulets et des obus avaient volé sur tout son régiment et tué des hommes, qu’ensuite quelqu’un avait crié : « Cavalerie ! » et que les nôtres avaient commencé à tirer. Et ils tiraient jusqu’ici et déjà non plus sur la cavalerie qui s’était éloignée mais sur les fantassins français qui, à ce moment, dans la plaine, tiraient sur les nôtres. Le prince Bagration inclina la tête en signe que tout était tel qu’il le désirait et supposait. Il s’adressa à l’aide de camp et lui demanda d’envoyer de la montagne deux bataillons du 6e chasseurs, devant lequel ils venaient de passer. Le prince André fut frappé alors du changement qui s’était produit dans le visage du prince Bagration. Son visage exprimait cette décision concentrée et heu-