Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/410

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rencontrèrent une foule de soldats, quelques-uns parmi eux n’étaient pas blessés. Les soldats gravissaient la montée en respirant avec peine, et malgré la présence du général, ils causaient haut en agitant les mains. Devant, dans la fumée, on voyait déjà les capotes grises alignées et l’officier, en apercevant Bagration, accourut, avec des cris, derrière les soldats qui montaient en foule, il exigeait d’eux qu’ils retournassent. Bagration s’approchait du rang où, par-ci par-là, craquaient rapidement des coups qui étouffaient les conversations et les cris du commandant. L’air était tout imprégné de la fumée de la poudre. Les visages des soldats tout noirs de poudre étaient très animés. Les uns, avec des baguettes, nettoyaient les fusils, d’autres versaient de la poudre dans le bassinet, sortaient les cartouches de leur sac, d’autres tiraient. Mais sur qui tiraient-ils ? on ne le voyait pas à cause de la fumée de la poudre que le vent n’emportait pas. L’on entendait assez souvent les sons agréables d’un bourdonnement ou d’un sifflement.

— « Qu’est-ce cela ? pensa le prince André en s’approchant de cette foule de soldats. Ce ne peut être une attaque puisqu’ils n’avancent pas. Ce ne peut être le carré, ils ne sont pas disposés comme il faut. »

Un vieillard maigre, d’aspect chétif, le commandant du régiment, avec un sourire agréable, les paupières fermant plus qu’à moitié ses yeux