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Jerkov, l’ordonnance, l’officier d’état-major de service sur un beau cheval anglais, et un fonctionnaire civil, un auditeur, qui, par curiosité, avait demandé la permission d’assister à la bataille. L’auditeur, un monsieur très gros, avec un visage replet, un sourire joyeux, naïf, regardait tout alentour en sautillant sur son cheval ; dans son pardessus de camelot, il ressortait étrangement parmi les hussards, les cosaques et les aides de camp.

— Voilà, il veut voir la bataille, — dit Jerkov à Bolkonskï en lui désignant l’auditeur, et il a déjà mal au creux de l’estomac.

— Eh bien, assez, — prononça l’auditeur avec un sourire brillant, naïf et en même temps rusé, comme s’il était flatté d’être l’objet des plaisanteries de Jerkov et comme s’il s’efforçait de paraître plus bête qu’il ne l’était réellement.

Très drôle, mon monsieur prince, — dit l’officier d’état-major de service, (il se rappelait qu’en français le titre prince se place particulièrement, mais il ne pouvait tomber juste.) À ce moment, tous approchaient déjà de la batterie de Touchine ; un boulet tombait devant eux.

— Qu’est-ce qui vient de tomber ? — demanda l’auditeur en souriant naïvement.

— Les galettes françaises, — dit Jerkov.

— Alors, c’est avec cela qu’on tue ? — demanda l’auditeur. — Oh ! quelle horreur ! — Et il semblait rayonnant de plaisir. À peine achevait-il de parler