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terre jusqu’aux genoux, maintenaient les affûts et les chariots, les fouets sifflaient, les sabots glissaient, les freins se brisaient et les poitrines se tendaient sous les cris. Les officiers, qui dirigeaient le mouvement, passaient devant et derrière parmi les fourgons. Leurs voix s’entendaient à peine dans le houlement général et l’on voyait à leurs visages qu’ils désespéraient de mettre fin à ce désordre.

« Voila la chère armée orthodoxe, » pensa Bolkonskï, se rappelant les paroles de Bilibine.

Désirant demander à l’un de ces hommes où était le commandant en chef, il s’approcha d’un fourgon. Droit devant lui marchait un attelage étrange à un cheval, évidemment arrangé d’une façon primitive par les soldats et qui était quelque chose d’intermédiaire entre un fourgon, un cabriolet et une voiture. L’attelage était conduit par un soldat et sous la capote de cuir, derrière le tablier, était assise une femme tout enveloppée de châles.

Le prince André s’approcha et déjà allait questionner le soldat quand son attention fut attirée par les cris désespérés de la femme assise dans l’attelage. L’officier qui était en tête de la file battait le soldat qui conduisait cette voiture parce qu’il avait voulu dépasser les autres, et le fouet frappait sur le tablier de l’équipage. La femme poussait des cris perçants.

En apercevant le prince André elle avança la