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Guerre. Il se sentait froissé et ce sentiment se transforma spontanément, sans même qu’il put s’en rendre compte, en un sentiment de mépris injustifié. À ce moment même son esprit prompt lui soufflait des considérations qui lui donnaient le droit de mépriser l’aide de camp et le ministre de la Guerre. « Il lui paraît sans doute très facile de remporter la victoire sans sentir la poudre, » pensa-t-il. Ses yeux clignaient avec mépris, et il entra avec une lenteur voulue dans le cabinet du ministre de la Guerre. Ce sentiment s’amplifia encore quand il vit le ministre de la Guerre assis devant une grande table, et qui, pendant deux minutes, ne fit nulle attention au messager. Le Ministre de la Guerre laissait tomber sa tête chauve aux tempes grises entre deux bougies de cire et lisait des papiers en soulignant au crayon. Il acheva sa lecture sans lever la tête, tandis que la porte s’ouvrait et que s’entendait un bruit de pas.

— Prenez cela et transmettez, dit le ministre de la Guerre en donnant un papier à son aide de camp et sans faire attention au courrier.

Le prince André sentit que de toutes les choses qui occupaient le ministre de la Guerre, les actes de l’armée de Koutouzov l’intéressaient le moins, ou qu’il fallait le donner à entendre au courrier russe. « Mais cela m’est bien égal, » pensa-t-il.

Le ministre de la Guerre arrangea les autres papiers, égalisa les feuilles, puis souleva la tête. Il