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les menaçait de punitions. Le junker Mironov s’inclinait au passage de chaque projectile. Rostov, au flanc gauche, assis sur son Gratchik, légèrement couronné mais encore très beau, avait l’air radieux d’un élève appelé à l’examen devant un grand public et sûr de se distinguer. Il les regardait tous d’un œil clair et tranquille et semblait vouloir attirer l’attention sur son calme devant les obus. Mais sur son visage, près de sa bouche, se montrait malgré lui un trait nouveau et sévère.

— Qui salues-tu là-bas ? Junker Mi’onov ! Ce n’est pas bien, ’ega’dez-moi ! — cria Denissov qui ne pouvait tenir en place et s’agitait sur son cheval devant l’escadron. Vaska Denissov avec sa tête aux cheveux noirs, son petit nez, toute sa petite personne, et sa main veinée (aux doigts courts couverts de poils), qui tenait la poignée de son sabre nu, était bien, comme d’habitude, surtout vers le soir après avoir bu deux bouteilles. Il était seulement un peu plus rouge qu’à l’ordinaire ; sa tête chevelue se dressait comme celle des oiseaux quand ils boivent, il enfonçait sans pitié ses éperons dans les côtés de son bon cheval, et, sautait vers l’autre flanc de l’escadron, tombait comme en arrêt et criait d’une voix rauque qu’on inspectât bien les pistolets. Il s’approcha de Kirsten. Le capitaine en second, sur sa large et lourde jument vint à la rencontre de Denissov. Kirsten avec ses longues moustaches était sérieux comme toujours,