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Soyez tranquille, Lise, vous serez toujours la plus jolie, — répondit Anna Pavlovna

Vous savez, mon mari m’abandonne, — reprit-elle du même ton, en s’adressant au général, — il va se faire tuer. Dites-moi pourquoi cette vilaine guerre ? — continua-t-elle en s’adressant au prince Vassili ; et, sans attendre sa réponse, elle parla à la fille du prince Vassili, à la belle Hélène.

Quelle délicieuse personne que cette petite princesse ! — fit doucement le prince Vassili à Anna Pavlovna.

Peu après la petite princesse, entrait un gros jeune homme, massif, la tête rasée, en lunettes, avec des pantalons clairs à la mode de cette époque, un haut jabot et un frac marron. Ce gros jeune homme était le fils naturel d’un seigneur célèbre du temps de Catherine II, le comte Bezoukhov, qui, en ce moment, se mourait à Moscou. Il n’avait encore servi nulle part, il venait d’arriver de l’étranger, où il avait été élevé, et pour la première fois il venait en soirée. Anna Pavlovna l’accueillit d’un salut qui était réservé aux hommes du dernier rang hiérarchique de son salon. Mais, malgré ce salut s’adressant à un inférieur, en voyant entrer Pierre, la physionomie d’Anna Pavlovna exprima l’inquiétude et la crainte qu’on ressent en voyant une chose par trop énorme et qui n’est pas à sa place. Pierre était en effet un