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lui et que je l’aime. Et écris-moi comment il t’accueillera. S’il est bon, continue de servir. Le fils de Nicolas Andrevitch Bolkonskï ne servira personne par faveur. Eh bien, maintenant viens ici. — Il parlait si vite, qu’il ne prononçait pas la moitié des mots, mais son fils y était habitué et comprenait tout. Il amena son fils près du bureau, l’ouvrit, prit une boîte et en tira un cahier rempli de son écriture longue et serrée.

— Il est probable que je mourrai avant toi ; alors, sache qu’ici sont mes mémoires ; après ma mort, il faudra les transmettre à l’Empereur. Maintenant voilà les billets du Lombart et une lettre : c’est un prix pour celui qui écrira la guerre de Souvarov ; il faudra envoyer cela à l’Académie. Ici, sont mes notes, tu les liras après moi, tu y trouveras des choses utiles.

André ne dit point à son père qu’il vivrait sans doute encore longtemps, il sentait qu’il ne fallait pas dire cela.

— Je ferai tout, père, — dit-il.

— Eh bien, maintenant, adieu !

Il lui donna sa main à baiser et l’embrassa.

— Rappelle-toi, prince André, que si tu es tué ce sera pénible pour moi, un vieillard…

Il se tut, et, tout à coup, d’une voix aiguë :

— Et que si j’apprenais que tu ne te conduis pas comme le fils de Nicolas Bolkonskï, ce serait ma honte… — grinça-t-il.