naissez pas encore ma tante ? — disait Anna Pavlovna aux invités qui arrivaient, et, très gravement, elle les menait devant une petite vieille en toilette chargée de rubans qui émergea de l’autre chambre dès que les invités commencèrent à se réunir.
Anna Pavlovna les présentait en les nommant et en levant lentement ses yeux de l’invité à ma tante. Ensuite elle s’éloigna. Tous les invités firent les saluts d’usage à la tante inconnue de tous, à qui personne ne s’intéressait et dont personne n’avait besoin. Anna Pavlovna, d’un air solennel et triste, suivait leurs salamalecs en les approuvant silencieusement. Ma tante, dans les mêmes termes, parlait à chacun de sa santé, de sa santé à elle et de la santé de Sa Majesté qui, aujourd’hui, grâce à Dieu, allait mieux. Tous ceux qui s’approchaient de la vieille, par convenance, s’éloignaient d’elle sans se hâter, avec le sentiment d’avoir accompli un pénible devoir, et ensuite pour ne pas revenir près d’elle de toute la soirée.
La jeune princesse Bolkonskaia avait apporté son ouvrage dans un petit sac de velours brodé d’or. Sa lèvre supérieure, très jolie, avec un léger duvet à peine brun, était courte en comparaison des dents, mais elle s’ouvrait d’autant plus charmante, et plus charmante elle s’allongeait sur la lèvre inférieure. Comme il arrive toujours chez les femmes tout à fait attrayantes, son défaut — sa