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sonne. Il disait qu’il n’y a que deux sources des vices humains : l’oisiveté et la superstition, et qu’il n’y a que deux vertus : l’activité et l’intelligence. Il s’occupait lui-même de l’éducation de sa fille et, pour développer en elle ces deux vertus capitales, jusqu’à vingt ans il lui donna des leçons d’algèbre et de géométrie, et partagea sa vie en une série ininterrompue d’occupations. Lui-même était toujours occupé : tantôt à écrire ses mémoires, tantôt à résoudre des questions de mathématique transcendante, tantôt à tourner des tabatières, tantôt à surveiller, dans le domaine, les constructions qui ne manquaient jamais. Puisque la condition principale de l’activité, c’est l’ordre, l’ordre, dans sa vie, était poussé jusqu’à l’extrême. Les repas avaient lieu toujours de la même façon et non seulement à la même heure, mais à la même minute. Avec les gens qui l’entouraient, depuis sa fille jusqu’aux domestiques, le prince était raide et terriblement exigeant. Aussi, bien que n’étant pas méchant, il excitait envers lui une crainte et un respect, que pourrait difficilement attendre l’homme le plus cruel. Bien que retraité et n’ayant maintenant aucune influence dans les affaires d’État, chaque gouverneur de la province où était le domaine du prince croyait de son devoir de se présenter chez lui, et de même que l’architecte, le jardinier, ou la princesse Marie, il attendait l’heure fixée pour la sortie du prince