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massant l’objet disputé, elle courut dans la chambre à coucher. La princesse aînée et le prince Vassili, se ressaisissant, allèrent derrière elle. Au bout de quelques minutes, la princesse aînée, avec le visage pâle, sec, sortit en se mordant la lèvre inférieure. À la vue de Pierre, son visage exprima une colère non contenue.

— Réjouissez-vous maintenant, — dit-elle. Vous attendiez cela. Et, sanglotant, elle cacha son visage dans son mouchoir et sortit de la chambre.

Derrière la princesse parut le prince Vassili. En chancelant, il alla jusqu’au divan où était Pierre, et tomba près de lui en cachant son visage dans ses mains. Pierre remarqua qu’il était pâle et que sa mâchoire inférieure tremblait, comme sous l’influence de la fièvre.

— Ah ! mon ami, — dit-il en prenant le coude de Pierre, et, dans sa voix, perçait une franchise et une douceur que Pierre n’y avait jamais entendues auparavant. Combien nous péchons, combien nous mentons et tout cela, pourquoi ? J’ai déjà plus de cinquante ans, mon ami, pour moi… tout finira avec la mort, tout. La mort est terrible. Il éclata en sanglots.

Anna Mikhaïlovna sortit la dernière. À pas lents et doux, elle s’approcha de Pierre.

— Pierre ! — dit-elle.

Celui-ci la regarda d’un air interrogateur. Elle baisa le front du jeune homme et y laissa tomber