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Pierre fut assez long à comprendre, mais quand il saisit, il se leva du divan, prit la main de Boris, et avec sa brusquerie gauche, en rougissant beaucoup plus que Boris, il se mit à parler avec un sentiment de honte et de dépit.

— Voilà, c’est étrange ! Est-ce que moi… Mais qui donc pouvait penser… je sais très…

Mais Boris l’interrompit de nouveau.

— Je suis content d’avoir dit tout. Peut-être est-ce désagréable pour vous, mais excusez-moi, — dit-il en tranquillisant Pierre, au lieu d’être tranquillisé par lui. — Mais j’espère que je ne vous ai pas blessé. J’ai pour principe de dire tout franchement… Que dois-je donc dire de votre part ? Viendrez-vous dîner chez les Rostov ? — Et Boris, visiblement déchargé d’un devoir pénible, sorti lui-même d’une situation fâcheuse et y mettant l’autre, devint tout à fait agréable.

— Non, écoutez, dit Pierre en se rassurant, vous êtes un homme étonnant. Ce que vous avez dit tout à l’heure, c’est très bien, très bien. Naturellement vous ne me connaissez pas ; il y a si longtemps que nous nous sommes vus, encore enfants… que vous pouvez supposer en moi… Je vous comprends, je vous comprends bien. Je ne ferais pas cela, je n’aurais pas le courage de faire cela, mais c’est beau. Je suis très heureux d’avoir renouvelé connaissance avec vous. C’est étrange, ce que vous supposez en moi ! — ajouta-t-il en