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quoi m’avez-vous marié ? N’approche pas, je te tuerais !

Iluchka était terrible. Son visage était cramoisi, ses yeux hagards, tout son jeune corps était secoué d’un tremblement de fièvre. Il semblait vouloir et pouvoir tuer les trois paysans qui l’entouraient.

— Tu bois le sang de ton frère, vampire !

Quelque chose brilla sur le visage toujours calme de Doutlov. Il fit un pas en avant.

— Tu n’as pas voulu de bon gré, — prononça-t-il tout à coup.

On ne sait où il prenait des forces ; d’un mouvement rapide il empoigna son neveu, tomba à terre avec lui, et, aidé du starosta, se mit à lui ligoter les mains. Ils luttèrent pendant cinq minutes. Enfin Doutlov, se releva avec l’aide des autres paysans, détacha les mains d’Ilia de sa pelisse à laquelle il s’accrochait. Ensuite il releva Ilia, les mains liées derrière le dos, et le mit sur un banc dans un coin.

— J’ai dit que ce serait pire ! fit-il essoufflé de la lutte et reprenant la ceinture de sa blouse. — Pourquoi pécher ? Nous mourrons tous. Mets-lui l’armiak sous la tête, — ajouta-t-il en s’adressant au portier, — autrement il attrapera une congestion. Et lui-même, une corde en guise de ceinture, prit la lanterne et sortit pour visiter les chevaux.

Ilia, les cheveux ébouriffés, le visage pâle, la chemise en désordre, regardait la chambre comme s’il cherchait à se rappeler où il était. Le portier