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rante ; évidemment ils étaient ivres. Parmi ceux-ci Ilia, qui jusqu’alors n’avait jamais bu.

— Quoi, les enfants ! Voulez-vous souper ou dormir ? demanda le starosta.

— Souper, répondit Ilia en secouant sa pelisse et s’asseyant sur le banc. — Envoie chercher de l’eau-de-vie.

— Non, pas d’eau-de-vie, fit négligemment le starosta ; et de nouveau, s’adressant aux autres :

— Alors, mes enfants, mangeons du pain, que diable éveiller les gens !

— Donne de l’eau-de-vie, répéta Ilia sans regarder personne et d’un ton qui montrait qu’il n’était pas près de se calmer.

Les paysans, suivant le conseil du starosta, prirent du pain dans le chariot, mangèrent, demandèrent du kvass et se couchèrent les uns sur le sol, les autres sur le poêle.

Ilia répétait de temps en temps : — « Donne de l’eau-de-vie, te dis-je, donne. » Tout à coup il aperçut Polikeï.

— Ilitch ! Eh Ilitch ! Te voilà, cher ami ! Moi je pars comme soldat, j’ai dit adieu à ma mère et à ma femme… Comme elle a hurlé ! On m’a pris comme recrue ! Paie donc l’eau-de-vie.

— Je n’ai pas d’argent, dit Polikeï. Dieu t’aidera, tu peux encore être exempté, — ajouta-t-il pour le consoler.

— Non, mon cher : solide comme un bouleau ;