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taient, puisque leur couverture, redevenue habit, était remplacée par le fichu de la mère. Akoulina était occupée à préparer le départ de son mari. La chemise était propre, les bottes, qui comme on dit demandaient à manger, étaient de ce fait l’objet d’un soin particulier. D’abord elle ôta de ses pieds ses gros chaussons de laine, les seuls qu’il y eût à la maison, et les donna à son mari ; ensuite, avec une couverture de cheval, mal gardée à l’écurie et qu’Ilitch avait apportée l’avant-veille dans l’izba, elle réussit à faire des petites pièces pour boucher les trous des chaussures et garantir de l’humidité les pieds d’Ilitch.

Ilitch lui-même, assis et les pieds sur le lit, arrangeait sa ceinture de façon qu’elle n’eût plus l’air d’une corde sale. Et la gamine maligne, bégayante, dans une pelisse qui même mise sur sa tête s’empêtrait dans ses jambes, était envoyée chez Nikita pour lui emprunter son bonnet. Les gens de la cour augmentaient le tohu-bohu en venant demander à Ilitch d’acheter à la ville, pour l’un des aiguilles, pour l’autre, un peu de thé, pour le troisième, de l’huile de ricin, un autre un peu de tabac, la femme du menuisier du sucre ; celle-ci avait déjà réussi à allumer le samovar et, pour enjôler Ilitch, elle lui apporta, dans un bol, la boisson qu’elle appelait du thé ! Nikita ayant refusé de donner son bonnet, il fallait réparer le sien, c’est-à-dire fourrer dedans les petits morceaux