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— C’est comme ça ! mon grand-père aussi était soldat, — disait l’un ; — alors à cause de cela, je refuse de me soumettre au sort !

— Il n’existe pas de pareille loi, mon cher. Au dernier enrôlement on a pris le fils de Mikheïtch et pourtant son oncle n’est pas encore revenu à la maison.

— Chez toi, ni ton père, ni ton oncle n’ont servi le tzar. — disait en même temps Doutlov ; — et toi non plus tu ne sers ni le maître, ni le mir. Tu n’as fait que boire, et tes enfants t’ont quitté parce qu’on ne peut vivre avec toi. Alors tu veux nuire aux autres, tandis que moi, pendant dix ans, j’ai été starosta. Deux fois j’ai eu l’incendie et personne ne m’a aidé, et parce que chez nous, dans la maison, tout est calme, honnête, alors, on veut me ruiner. Rendez-moi donc mon frère. N’est-il pas mort là-bas au service ? Jugez la vérité selon la volonté de Dieu, mir orthodoxe, et n’obéissez pas à un ivrogne menteur !

En même temps, Guérassime disait à Doutlov.

— Tu nous cites l’exemple de ton frère, mais c’est pas le mir qui l’a enrôlé, c’est à cause de sa débauche que les maîtres l’ont fait soldat : ce n’est donc pas une raison en ta faveur.

Guérassime n’avait pas encore achevé, que le long et jaune Feodor Melnitchnï s’avançait, sombre, et disait :

— C’est ça, les seigneurs envoient qui ils veulent