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carrée, la barbe frisée, l’un des parleurs de la génération postérieure à Riézoune, qui se distinguait par sa parole raide, et avait déjà une certaine autorité dans l’assemblée. Ensuite, Feodor Melnitchnï, un paysan jaune, maigre, long, voûté, jeune encore, la barbe rare, les yeux toujours rageurs et sombres. Il prenait tout en mauvaise part, et troublait souvent l’assemblée par ses questions et ses observations inattendues et saccadées. Ces deux parleurs étaient du côté de Riézoune. En outre, deux bavards se mêlaient de temps en temps à la discussion : l’un, au visage plein de bonhomie, la barbe longue, large, Krapkov, qui ajoutait à chaque mot « mon cher ami » ; l’autre, un petit, au bec d’oiseau, Gidkov, qui lui aussi disait sans cesse : « Voilà mes frères, résulte donc… », et qui s’adressait à tout le monde et parlait bien, mais mal à propos. Ils étaient tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, mais personne ne les écoutait. Il y en avait encore d’autres du même genre, mais ces deux-là se glissaient dans la foule, criaient davantage, et effrayaient la maîtresse ; ils étaient les moins écoutés, et, étourdis par tous les cris, ils se livraient au plaisir de faire marcher leur langue.

Il y avait encore beaucoup de diverses catégories de gens : des taciturnes, des convenables, des indifférents, des opprimés, et aussi des femmes qui, avec leurs bâtons, se tenaient derrière les paysans. Mais de tous ces gens, si Dieu me le per-