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Polikouchka ne se hâtait pas de répondre. Il alluma sa pipe et cracha.

— Elle m’a ordonné d’aller chez un marchand pour toucher de l’argent.

— Apporter de l’argent ? demanda Akoulina.

Polikouchka sourit et hocha la tête.

— Ah ! comme elle parle bien ! Toi, dit-elle, tu étais noté comme un homme peu sûr, seulement j’ai plus confiance en toi qu’en aucun autre. (Polikeï parlait haut pour être entendu des voisins). Tu m’as promis de te corriger, alors, voici la première des épreuves nécessaires pour que je te croie. Va chez le marchand, — dit-elle, — prends l’argent, et rapporte-le moi.

— Moi, dis-je, madame, tous vos serfs doivent vous servir comme Dieu. C’est pourquoi je sens que je peux faire tout pour votre santé et ne refuse aucun travail ; je remplirai tout ce que vous ordonnerez, parce que je suis votre esclave (de nouveau il sourit, de ce sourire particulier d’un homme faible, bon et coupable.) — Alors, dit-elle, ce sera sûr ? Comprends donc que ton sort en dépend. — Comment, dis-je, pourrais-je ne pas comprendre que je puis faire tout ? Si on vous a dit du mal de moi, on peut en dire autant de chacun, et moi, je crois n’avoir jamais pensé rien contre votre bonheur. En un mot je l’ai enchantée si bien que madame est devenue tout à fait souple. — Toi, dit-elle, tu seras mon homme de confiance.