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Polikeï, comme on l’a déjà dit, s’occupait des chevaux. Comment était-il devenu tout à coup vétérinaire, personne ne le savait, et encore moins lui-même. Quand il travaillait au haras, chez le palefrenier déporté, il n’avait pas d’autre fonction que de nettoyer le fumier des écuries, parfois, de panser les chevaux, et d’apporter de l’eau. Ce n’était donc pas là qu’il avait pu apprendre. Ensuite il avait été tisserand, puis jardinier, il ratissait les allées ; après, par punition, il avait dû faire des briques, ensuite, à la corvée, il remplissait les fonctions de portier chez un marchand. Là non plus, il n’avait donc pas eu de pratique. Mais dans les derniers temps, le bruit de son habileté merveilleuse en médecine vétérinaire commençait à se répandre. Il fit une saignée, puis une autre, ensuite il fit étendre à terre un cheval et lui gratta quelque chose dans la cuisse ; après quoi, il exigea qu’on mit le cheval dans un travail et lui coupa le jarret jusqu’au sang, malgré que l’animal se débattît et poussât même des cris ; il expliqua que cela signifiait « verser le sang de dessous le sabot. » Ensuite, il expliqua à un moujik qu’il était nécessaire de saigner deux veines « pour la plus grande facilité. » et il se mit à frapper à coups de maillet sur la lancette émoussée, après quoi il passa sous le ventre du cheval une bande faite du fichu de sa femme. Enfin, il continua à soigner toutes les maladies avec du sel de vitriol mouillé du con-