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sa propre invention et, parfois, recevait en récompense, de l’argent et des vivres. Parfois aussi, il lui restait de l’avoine des maîtres. Dans le village il y avait un paysan qui, régulièrement, chaque mois, pour deux mesures d’avoine, lui donnait vingt livres de mouton. La vie eût été supportable s’il n’y avait eu un ennui, et il y en avait un grand qui pesait sur toute la famille. Polikeï, dans sa jeunesse, vivait dans un autre village et s’occupait dans un haras. Le palefrenier avec qui il travaillait, était le plus grand voleur du pays ; il finit par la déportation. Polikeï avait fait son apprentissage chez ce palefrenier, et dès l’enfance, il s’était tellement habitué à ces bêtises, que, par la suite, malgré la louable intention de se mieux conduire, il en fut incapable. Il était jeune, faible, sans père ni mère, sans personne pour le corriger.

Polikeï aimait à boire, et ne supportait pas, en quelque endroit que ce fût, qu’un objet quelconque fût mal gardé : la grosse corde, la sellette, la serrure, la cheville, ou autre chose de plus de valeur trouvaient place chez Polikeï Ilitch. Partout il y avait des gens qui recélaient ces objets et les payaient, par consentement mutuel, avec du vin ou de l’argent. Ces gains sont les plus faciles, dit le peuple : ils n’exigent ni études, ni travail, rien, et quand on en a essayé une fois, on ne veut pas d’autre métier. Il n’y a qu’un seul inconvénient à cette sorte de gain : on trouve tout à bon marché