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soit de la part de la maîtresse, soit du côté de l’opinion publique.

Le choix de la troisième recrue était discutable. L’intendant voulait protéger les trois Doutlov et envoyer un serf, Polikouchka, père de famille, qui avait une très mauvaise réputation et qu’on avait surpris, plusieurs fois, à voler des sacs, des guides, du foin.

La propriétaire, qui caressait souvent les enfants déguenillés de Polikouchka, et, par des citations de l’évangile, essayait de le remettre dans la bonne voie, ne voulait pas le faire enrôler. D’autre part, elle ne voulait pas de mal aux Doutlov, qu’elle ne connaissait pas et qu’elle n’avait jamais vus ; mais on ne sait pourquoi, elle ne pouvait rien comprendre, et l’intendant ne se décidait pas à lui expliquer carrément qu’à défaut de Polikouchka un Doutlov serait enrôlé. « Mais, je ne veux pas le malheur des Doutlov », — disait-elle avec âme. — « Alors, payez trois cents roubles pour un homme ». Voilà ce qu’il fallait lui répondre. Mais la politique ne l’admettait pas.

Ainsi Égor Mikhaïlovitch s’installait tranquillement, même s’appuyait au mur de façon visible, et gardant sur son visage une expression obséquieuse, commençait à observer le tremblement des lèvres de madame, le mouvement de la ruche de son bonnet dans l’ombre projetée sur le mur et sur les tableaux. Mais il ne trouvait pas du tout