Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait bien, autrement c’est mal, — dit un vieux postillon… Enfin, tu portes ses bottes !…

— Mais où prendre une croix ? On ne peut pas la faire avec des bûches.

— Que dis-tu ! On n’en fera pas avec des bûches, mais prends une hache et va dans le bois, de bon matin, et tu en feras une. Tu couperas un frêne et ça fera une croix ; autrement il faut encore donner de l’eau-de-vie au gardien ; si l’on voulait donner de l’eau-de-vie à chaque canaille, on n’en finirait pas. Tiens, récemment, j’ai cassé une volige, alors j’en ai coupé une nouvelle, superbe. Personne n’a dit mot.

Le matin, à l’aube, Sérioja prit une hache et alla au bois.

Tout était couvert d’une froide rosée qui tombait encore et n’était pas éclairée par le soleil. L’orient s’éclairait peu à peu et reflétait sa lumière faible sur la voûte du ciel couvert de nuages légers. Pas une petite herbe, en bas, pas une feuille de la plus haute branche des arbres ne remuait. Seuls les bruits d’ailes, qu’on entendait parfois dans l’épaisseur du bois, ou leur frottement sur le sol, rompaient le silence de la forêt. Tout-à-coup, un son étrange… et la nature éclata et s’embrasa à la lisière de la forêt. Mais de nouveau les bruits retentirent et se répétèrent en bas près des troncs immobiles. La cime d’un arbre tremblait extraordinairement, ses feuilles semblaient murmurer