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mais cette servilité et l’expression déférente du prêtre qui officiait l’indisposèrent. Ses lèvres minces, arquées, rasées, se courbèrent davantage. Ses bons yeux prirent une expresion railleuse. « Comme si j’étais son général », pensa-t-il ; et aussitôt il se rappela les paroles d’un instituteur allemand qu’il avait amené une fois avec lui dans le sanctuaire pour voir un service russe. Cet Allemand l’avait fait rire et avait fâché sa femme en disant : Der Pop war ganz böse, das ich ihm Alles nachgesehen hatte[1].

Il se rappela aussi qu’un jeune Turc avait répondu « qu’il n’y avait pas de Dieu puisqu’il en avait mangé le dernier morceau. » Et moi je fais la communion, — pensa-t-il, et, en fronçant les sourcils, il salua.

Débarrassé de sa pelisse d’ours, en frac bleu aux boutons clairs, une large cravate blanche et gilet blanc, en pantalons étroits, dans des bottes pointues et sans talons, de son allure douce, modeste, légère, il s’approcha des icônes paroissiales. Ici encore il fut l’objet de la même déférence des communiants qui lui cédèrent la place.

« Comme si l’on disait : après vous s’il en reste, » pensa-t-il, en saluant de côté jusqu’à terre avec la même gaucherie, qui provenait de ce qu’il lui fallait trouver le juste milieu entre l’ir-

  1. Le prêtre était tout à fait fâché que j’eusse tout vu.