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cuter avec moi, avec une femme, — fit-elle gaiement avec tendresse. Elle embrassait son frère d’un regard fin, spirituel, qu’on ne pouvait attendre de son visage sénile, aux grands traits. — Et tu ne me persuaderas pas, mon ami ; j’ai déjà soixante-dix ans, je n’ai pas vécu comme une simple sotte, j’ai vu et compris bien des choses. Je n’ai pas lu et ne lirai pas vos livres ; dans les livres il n’y a que des bêtises !

— Eh bien ! comment trouvez-vous mes enfants, Sérioja ? — demanda Pierre avec le même sourire.

— Bien, bien, — répondit la sœur en le menaçant. — Ne tourne pas la conversation. Nous parlerons des enfants. Mais voilà ce que je voulais te dire : tu as été fou, et je vois à tes yeux que tu l’es resté. Maintenant on t’exultera, c’est la mode. Vous tous maintenant, vous êtes à la mode. Oui, oui, je vois à tes yeux que tu es toujours le même fou, — ajouta-t-elle en réponse à son sourire. — Je te demande au nom de Dieu, de t’éloigner de tous ces libéraux d’aujourd’hui. Dieu sait ce qu’ils sèment, mais tout cela finira mal. Notre gouvernement se tait présentement, ensuite il devra montrer les ongles. Souviens-toi de mes paroles, je crains que tu ne t’en mêles de nouveau. Laisse, tout cela n’est que sottise. Tu as des enfants.

— Évidemment vous ne me connaissez pas, maintenant, Maria Ivanovna, — lui dit son frère.

— Eh bien, c’est bon, c’est bon ; on verra si