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Maria Ivanovna, c’étaient ses deux frères. Piotr Ivanovitch était son idole, le prince Ivan sa haine.

Elle n’était pas informée du retour de Piotr Ivanovitch. Elle arrivait de l’église et seulement maintenant prenait son café. Le vicaire de Moscou, madame Biécheva et Skopine étaient à table. Marie Ivanovna leur parlait du jeune comte Y…, fils de P… Z… qui était revenu de Sébastopol et dont elle était amoureuse (elle avait sans cesse des passions). Ce jour-là il devait dîner chez elle. Le vicaire se leva et salua. Maria Ivanovna ne le retint pas ; sous ce rapport elle était libre-penseuse. Elle était pieuse mais n’aimait pas les moines, et se moquait des dames qui courent après eux, disant hardiment que, pour elle, les moines sont des pécheurs comme les autres, et qu’on peut faire son salut dans le monde mieux qu’au couvent.

— Donnez l’ordre de ne recevoir personne, mon ami, dit-elle. J’écrirai à Pierre. Je ne sais pourquoi il n’arrive pas. Natalia Nikolaievna est sans doute malade.

Maria Ivanovna était convaincue que Natalia Nikolaievna ne l’aimait pas et était son ennemie. Elle ne pouvait lui pardonner ce fait, que ce n’était pas elle, la sœur, qui avait donné sa fortune et était partie en Sibérie, mais Natalia Nikolaievna, et que son frère s’était opposé énergiquement à sa proposition de le suivre. Après trente-cinq ans,