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chez Maria Ivanovna. Maria Ivanovna, de dix ans plus âgée que Piotr Ivanovitch, était sa marraine. Elle était vieille fille.

Je raconterai plus tard pourquoi elle ne s’était pas mariée et comment avait passé sa jeunesse.

Depuis quarante ans, elle n’avait pas quitté Moscou. Elle n’avait ni grand esprit, ni grosse fortune. Elle ne tenait pas aux relations, au contraire, et pourtant, il n’y avait personne qui ne l’estimât. Elle était si convaincue que tous devaient l’estimer, que tous la respectaient. Parfois quelques jeunes libertins de l’Université ne reconnaissaient pas son autorité, mais ils ne frondaient qu’en son absence. Elle n’avait qu’à entrer au salon, avec son port de reine, à commencer sa conversation calme, à sourire de son sourire tendre, et ils étaient vaincus. Sa société, c’était tout le monde. Elle tenait tout Moscou et se conduisait avec lui comme avec ses familiers. La jeunesse et les hommes intelligents fréquentaient surtout chez elle. Elle n’aimait pas les femmes. Elle hospitalisait aussi des parasites des deux sexes que notre littérature a, on ne sait trop pourquoi, confondus dans un même mépris avec l’habit hongrois et les généraux. Mais Maria Ivanovna pensait que cela valait mieux pour M. Skopine, ruiné au jeu, pour madame Biécheva, chassée par son mari, de vivre chez elle que dans la misère. Et elle les hébergeait. Les deux grandes passions dans la vie active de