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— Oui, j’ai trouvé beaucoup de changement en Russie, — dit Piotr Ivanovitch en réponse à sa question.

Dès que Piotr Ivanovitch parlait, il fallait voir avec quelle attention et quel respect Pakhtine recueillait chacune des paroles du grave vieillard et comment, après chaque phrase, parfois même après un mot, Pakhtine, d’un signe de tête, d’un sourire, d’un mouvement des yeux, laissait comprendre qu’il avait reçu ou accepté la phrase ou la parole mémorable pour lui. Le regard fatigué approuvait cette manœuvre ; Sergueï Petrovitch semblait avoir peur que les paroles de son père ne fussent pas assez importantes pour l’attention de l’auditeur. Sophie Pétrovna, au contraire, souriait imperceptiblement, comme sourient les personnes qui ont remarqué le ridicule de quelqu’un. Il lui semblait qu’on ne pouvait rien attendre de celui-ci, que c’était un « Chuchka », comme elle et son frère appelaient certaine catégorie de gens.

Piotr Ivanovitch expliquait que pendant son voyage il avait remarqué de grands changements qui le réjouissaient. « On ne peut s’imaginer combien les paysans sont devenus supérieurs ; il y a en eux plus de conscience et de dignité », dit-il comme s’il récitait une vieille phrase. « Et je dois vous dire que le peuple m’intéresse surtout. Je suis d’avis que la force de la Russie n’est pas en nous mais dans le peuple », etc.