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ment le jeune homme continua à la voir au bal, partout ; il se lia d’amitié avec Miatline et lui demanda de renoncer à son mariage. Miatline accepta. Il lui proposa un enlèvement. Elle y consentit, mais au dernier moment (la conversation se passait en français), elle alla trouver son père, lui dit que tout était prêt pour la fuite, qu’elle pourrait le quitter, mais qu’elle espérait en sa magnanimité. En effet, le père lui pardonna ; tous intervinrent en sa faveur, et il donna son consentement. Voilà comment s’est fait son mariage. Et c’était un mariage gai ! Qui de nous pouvait penser qu’un an après elle le suivrait en Sibérie ! Elle, une fille unique, la plus riche, la plus belle de ce temps ! L’empereur Alexandre la remarquait toujours au bal et dansait souvent avec elle. Chez la comtesse G…, il y avait un bal costumé, je me le rappelle comme si c’était d’hier : elle était en Napolitaine et elle était admirablement belle. Chaque fois qu’il venait à Moscou, il demandait : Que fait la belle Napolitaine ? Et, tout à coup, cette femme, dans sa position (elle accoucha en route), n’hésite pas un moment, ne prépare rien, ne fait pas de malle, et telle quelle, quand on arrêta son mari, partit avec lui pour cinq mille verstes.

— Oh ! c’est une femme sublime ! — dit la maîtresse du logis.

— Tous deux étaient des gens rares ! — fit une