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riers de ses actes, Il a vu l’enthousiasme des deux capitales et de tout le peuple et il a constaté, par expérience, comment la Russie sait récompenser le vrai mérite. Tous les grands de ce monde cherchaient à le connaître, à lui serrer les mains, lui offraient des dîners, l’invitaient constamment à venir chez eux, et, pour avoir de lui des détails sur la guerre, ils lui racontaient leurs impressions.

C’est pourquoi celui qui écrit ces lignes peut apprécier ce temps mémorable.

Mais il ne s’agit pas de cela.

À cette même époque, un jour, deux voitures et un traîneau stationnaient près du perron du meilleur hôtel de Moscou. Un jeune homme entrait pour se renseigner au sujet des chambres. Un vieillard était assis dans la voiture avec deux dames et racontait ce qu’était le Pont des Maréchaux du temps des Français. C’était la suite d’une conversation commencée en entrant à Moscou. Et maintenant le vieux à barbe blanche, sa pelisse ouverte, continuait tranquillement sa narration dans la voiture comme s’il avait l’intention d’y passer la nuit.

Sa femme et sa fille écoutaient, mais de temps en temps regardaient vers la porte non sans impatience. Le jeune homme sortit avec le portier et un garçon d’hôtel.

— Eh bien, quoi, Serge ? demanda la mère, en