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as entendu parler. Tout Moscou le connaissait.

— Oui, j’en ai entendu parler, dit nonchalamment le maître ; mais je voulais te parler des miens…

— Alors tu en as entendu parler. Je l’avais acheté, au hasard sans connaître l’origine, sans certificat. C’est seulement après que je l’ai apprise : moi et Voieikov avons trouvé : c’était le fils de Lubiesné Ier, Kholstomier — mesure de toile. — Au haras de Khrienovo on l’avait donné au palefrenier parce qu’il était pie et l’autre l’a châtré et vendu au maquignon. Il n’y a plus de pareils chevaux mon ami. Et il cita une chanson tzigane : « Ah, c’était le bon temps ! Ah, la jeunesse ! » — Il commençait à être ivre. C’était le beau temps ! J’avais vingt-cinq ans, quatre-vingt mille roubles de rente, pas un seul cheveu gris, des dents comme des perles… Quoiqu’on entreprenne tout réussit et tout est fini !

— Il n’y avait pas alors cette vivacité, dit le maître en profitant de l’arrêt. Je te dirai que mes chevaux sont les premiers qui aient marché sans…

— Tes chevaux ! Mais alors on était plus vif…

— Comment plus vif ?

— Plus vif. Je me rappelle comme si c’était aujourd’hui, qu’une fois je suis parti aux courses, à Moscou, avec lui. Je n’avais pas de chevaux là-bas. Je n’aimais pas les chevaux de courses ; j’avais des chevaux de race : Général Cholet, Mahomet, le