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brillants, doux, au cou de cygne, aux jambes unies et fines comme des cordes. Il était toujours gai, aimable ; il était toujours prêt à jouer, à lécher ou à plaisanter sur les chevaux et les hommes. Forcément, en vivant ensemble, nous devînmes amis, et cette amitié dura toute notre jeunesse.

Il était gai et frivole. Il commençait déjà d’aimer à jouer avec les jeunes juments et se moquait de mon innocence. Et pour mon malheur, par amour-propre, je commençai à l’imiter, et bientôt je me laissai aller à l’amour. Ce penchant précoce fut la cause du plus grand événement de ma vie. Il m’arriva de me laisser entraîner… Viazopourikha avait un an de plus que moi, nous étions particulièrement amis, mais à la fin de l’automne, je remarquai qu’elle commençait à me fuir…

Mais je ne raconterai pas toute cette malheureuse histoire de mon premier amour. Elle se rappelle elle-même ma passion folle qui s’est terminée par le plus grand changement de ma vie. Les palefreniers se mirent à la chasser et à me battre. Le soir on me mit dans un box à part. Je hennis toute la nuit, comme si je pressentais l’événement du lendemain.

Le matin, dans le couloir de mon box, arrivèrent le général, le palefrenier chef, le cocher, et ce fut un vacarme effrayant. Le général criait