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en Russie. Par l’origine, il n’y a pas au monde de cheval supérieur à moi. Je ne vous l’ai jamais dit, à quoi bon, vous ne m’auriez jamais reconnu, pas plus que Viazopourikha qui était avec moi au haras de Khrienovo et qui vient seulement de me reconnaître. Vous ne me croiriez pas n’était le témoignage de Viazopourikha. Je ne vous l’aurais jamais dit, je n’ai pas besoin de la pitié d’un cheval. Mais vous l’avez voulu. Oui, je suis ce Kholstomier que les amateurs cherchaient et ne trouvaient pas. Ce Kholstomier que le comte lui-même connaissait et qu’il a expédié du haras parce que je dépassais son favori Cygne.

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Quand je naquis je ne savais pas ce que signifiait être pie. Je pensais être un cheval. Je me rappelle que la première remarque sur mon pelage me frappa profondément ainsi que ma mère.

Je naquis probablement la nuit. Vers le matin, léché déjà par ma mère, je me tenais sur les pattes. Je me souviens que tout le temps je voulais quelque chose et que tout me semblait à la fois extraordinairement étonnant et très simple. Les écuries étaient chez nous dans de longs corridors chauffés, avec des portes grillées à travers lesquelles on voyait tout.

Ma mère me tendit la mamelle, et moi j’étais encore si innocent que je passais mon nez tantôt sous les pattes de devant, tantôt dans l’auge. Tout