Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la chaussée. Le ciel était gris et froid. Le brouillard humide tombait sur les champs et sur la route. Dans la voiture l’air était suffocant, imprégné d’une odeur d’eau de Cologne et de poussière.

La malade tourna la tête et, lentement, ouvrit les yeux. Ses yeux étaient grands, brillants et d’une belle couleur foncée.

— Encore, — dit-elle en repoussant nerveusement de sa main maigre, jolie, le pan du manteau de la femme de chambre qui frôlait à peine sa jambe ; et sa bouche s’arqua maladivement. Matriocha prit à deux mains le manteau, se souleva sur ses fortes jambes et s’assit plus loin. Son visage frais se couvrit d’une rougeur claire.

Les beaux yeux sombres de la malade suivaient hâtivement les mouvements de la femme de chambre.

La maîtresse s’appuya des deux mains sur le siège et voulut se soulever pour s’asseoir plus haut, mais ses forces la trahirent. Sa bouche se courba et tout son visage prit une expression d’ironie méchante et impuissante : « Si encore tu m’aidais… » — « Ah ! ce n’est pas la peine ! Je peux m’en passer, seulement ne mets pas sur moi tous ces sacs, je t’en prie !… Ne me touche pas plutôt si tu ne comprends pas ! »

La maîtresse ferma les yeux, et de nouveau, relevant rapidement les paupières, regarda la femme de chambre. Matriocha la regardait en