Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tronçon noir de la queue, dont on voyait les vertèbres, était long et presque nu ; sur la croupe grise, près de la queue, il y avait une blessure, comme une morsure, de la largeur de la main, couverte de poils blancs ; on voyait une autre blessure cicatrisée sur le paleron droit.

Les genoux de derrière et la queue étaient salis par un dérangement d’intestins continuel. Les poils, par tout le corps, étaient courts et raides ; mais, malgré sa vieillesse repoussante, chacun, en regardant ce cheval, s’arrêtait malgré soi et un connaisseur disait tout de suite qu’il avait dû être, dans son temps, une bête admirable. Les connaisseurs disaient même qu’il n’y avait en Russie qu’une race de chevaux capable de donner une ossature si large, de si grandes pattes, de tels sabots, une pareille finesse des os des jambes, une telle attache du cou, et surtout une si belle ossature de la tête et des yeux grands, noirs, brillants, une telle saillie des veines autour de la tête et du cou, une peau si fine et de semblables poils.

En effet, il y avait quelque chose de majestueux dans la figure de ce cheval, dans l’union terrible en lui des signes repoussants de la décrépitude, aggravés de la bigarrure du pelage, à l’allure, l’expression d’assurance et de calme, la conscience de la beauté et de la force. Comme une ruine vivante, il était isolé au milieu du pré cou-