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filet ; sur ses genoux, elle tenait un petit caniche ; ses jambes, soulevées par les caisses qui encombraient le véhicule, les frappaient à peu près en mesure, selon le balancement bruyant des ressorts et le tremblement des vitres.

Les mains croisées sur les genoux, les yeux clos, la maîtresse se balançait faiblement sur les coussins placés derrière son dos ; elle fronçait un peu les sourcils, toussait d’une toux contenue. Elle avait sur la tête un bonnet de nuit blanc, et un fichu bleu s’attachait sous son cou délicat et blanc. Une raie droite, qui se perdait sous le bonnet, divisait ses cheveux blonds très plats et pommadés, et la blancheur de cette large raie avait quelque chose de sec et de mort.

La peau fanée, un peu jaunâtre, ne serrait pas trop les traits fins et jolis de son visage et prenait un reflet rouge sur les pommettes des joues. Les lèvres étaient sèches et agitées, les cils rares et droits. Le manteau de voyage, en drap, faisait des plis raides sur la poitrine creusée. Bien que les yeux fussent fermés, le visage de la malade exprimait la fatigue, l’irritation et la souffrance continue.

Le valet, appuyé sur son siège, sommeillait. Le postillon criait et fatiguait bravement ses quatre grands chevaux en sueur et se retournait quelquefois vers le postillon qui conduisait l’autre voiture. Les traces larges et parallèles des roues s’allongeaient régulièrement sur la boue de terre glaise