Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

TROIS MORTS


RÉCIT


(1859)




I


C’était l’automne. Deux équipages trottaient rapidement sur la grande route. Deux femmes étaient assises dans la première voiture. L’une, la maîtresse, était maigre et pâle, l’autre, la femme de chambre, rouge, luisante et grosse. Des cheveux courts, secs, sortaient en dessous de son chapeau fané ; de sa main rouge, au gant déchiré, elle les réparait prestement. Sa forte poitrine, couverte d’un plaid, respirait la santé. Les yeux mobiles, noirs, suivaient, à travers les vitres, les champs qui fuyaient, ou regardaient timidement la maîtresse, ou bien jetaient un regard inquiet dans le coin de la voiture. Devant le nez de la femme de chambre, se balançait le chapeau de la maîtresse attaché au