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Il ne se leva pas avant d’avoir posé son front sur le sol. Il se secoua et s’assit sur le banc.

La mère et la femme d’Iluchka hurlaient de joie. Un murmure d’approbation courait dans la foule.

— « C’est, selon Dieu, comme ça », — disait l’un.

— « L’argent qu’est-ce que c’est ; pour de l’argent on n’achète pas un garçon », — disait l’autre. —

— « Quelle joie ! un homme juste en un mot ! » exclamait un troisième.

Seuls les paysans enrôlés ne disaient rien ; sans faire de bruit ils sortirent dans la cour.

Deux heures après les deux charrettes des Doutlov quittaient le faubourg de la ville. Dans la première, attelée d’une jument gris mêlé, au ventre enfoncé et tout en sueur, le vieux et Ignate étaient assis. Au fond de la charrette, il y avait des paquets de craquelins et des miches. Dans la charrette, sans conducteur, la jeune femme heureuse et tranquille était assise avec sa belle-mère enveloppée d’un châle. La jeune femme tenait dans son tablier une petite bouteille d’eau-de-vie. Iluchka tournait le dos au cheval. Son visage était rouge ; il se balançait sur le siège en mangeant du pain et causant sans cesse.

Les voix, le bruit des charrettes sur les pavés, l’ébrouement des chevaux, tout se confondait en un son joyeux. Les chevaux agitaient leurs queues, accéléraient leur trot en sentant le chemin de la maison. Les piétons et les gens en voiture re-