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herbe haute, et tâcha de ne pas faire de bruit avec ses lapti. Il ne comprenait rien et ne voyait rien de ce qui était autour de lui. En passant devant un miroir il voyait des fleurs, un paysan en lapti qui soulevait les jambes, le portrait d’un seigneur, une caisse verte, quelque chose de blanc… Tout à coup cette chose blanche se mit à parler ; c’était Madame… Il ne comprenait rien ; il ouvrait seulement de grands yeux. Il ne savait où il était, et tout lui paraissait plongé dans un brouillard.

— C’est toi, Doutlov ?

— Moi, madame. C’est tel que c’était, je n’y ai pas touché, — dit-il. — Je ne suis point heureux de cette affaire. Je le jure devant Dieu ! Comme je fouettais mon cheval…

— Eh bien, c’est ta chance ! dit Madame avec un sourire méprisant et bon. Garde pour toi.

Il ouvrit de grands yeux.

— Je suis contente que cela te soit tombé ! Dieu fasse que cet argent te porte bonheur ! Es-tu content ?

— Comment ne pas être content ! Si content, petite mère ! Je prierai toujours Dieu pour vous. Je suis si heureux que Madame vive, grâce à Dieu.

— Comment l’as-tu trouvé ?

— C’est-à-dire, pour madame, nous tâchions, comme toujours, sur l’honneur et non…

— Il est déjà tout à fait embrouillé, Madame, — dit Douniacha.