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près du cheval attaché avec la charrette : « J’ai cru qu’il était ivre, et que le cheval n’avait ni bu ni mangé de deux jours, telles côtes il avait ! » dit cet homme. Akoulina ne dormit pas de toute la nuit ; elle écoutait sans cesse. Mais de la nuit Polikeï ne revint point. Si elle avait été seule, si elle avait eu cuisinière et femme de chambre, elle eût été encore plus malheureuse, mais dès le troisième chant du coq, quand la femme du menuisier se leva, Akoulina dut se lever et se mettre devant le poêle. C’était fête, et il fallait sortir le pain avant le jour, préparer le levain, la galette, traire la vache, repasser les robes et les chemises, lever les enfants, apporter de l’eau et ne pas permettre à la voisine d’occuper tout le poêle.

Akoulina, sans cesser d’écouter se mit à sa besogne. Le jour était déjà venu ; les cloches des églises sonnaient. Les enfants étaient déjà levés, et Polikeï n’arrivait toujours pas. La veille il avait gelé, la neige couvrait inégalement les champs, la route, les toits et ce jour-là, comme exprès pour la fête, la journée était belle, ensoleillée et froide, de sorte qu’on pouvait voir et entendre de loin. Mais Akoulina, près du poêle, la tête entrée dans le four, était si occupée à préparer la galette qu’elle n’entendit pas venir Polikeï, et ce fut seulement aux cris des enfants, qu’elle reconnut que son mari était revenu.

Anutka, l’aînée, se graissait la tête et s’habil-