Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

louche. Polikeï se sentit encore plus mal à l’aise. Mais après la ville sa peur se dissipa peu à peu. Tambour marchait au pas ; la route devenait plus distincte. Il ôta son bonnet et tâta l’argent. « Le mettre dans mon gousset ? » pensa-t-il « Mais il faut enlever ma ceinture ; voilà, je descendrai là-bas et je m’arrangerai. La doublure du bonnet est bien cousue en haut et en bas, il ne glissera pas. Même jusqu’à la maison, je ne l’ôterai pas du bonnet. » Dans la descente, Tambour, de son propre gré, galopait, et Polikeï, qui voulait autant que Tambour arriver au plus vite à la maison, ne le retenait pas. Tout était en ordre, du moins il se l’imaginait, et il se lança dans des rêves : la reconnaissance de sa maîtresse qui lui donnera cinq roubles, et la joie de sa famille.

Il ôta son bonnet, tâta encore une fois la lettre, enfonça le bonnet encore plus profondément sur sa tête, et sourit.

La peluche de son bonnet était moisie, et précisément parce que, la veille, Akoulina l’avait cousu avec soin à l’endroit déchiré, il se déchira d’un autre côté, et au mouvement par lequel Polikeï en ôtant son bonnet, dans l’obscurité, pensait enfoncer plus profondément l’argent dans l’ouate, le bonnet se déchira, et un bout de l’enveloppe sortit à l’extérieur.

Le jour venu, Polikeï qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit, s’endormit. Il enfonça son bonnet,