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son dos et stimula les chevaux. De nouveau, le claquement des sabots, les cris des postillons et le tintement des clochettes remplacèrent le bruit du vent qu’on entendait de tous côtés, particulièrement quand on restait en place.

Un quart d’heure après mon transbordement, je ne pouvais encore dormir et me distrayais en examinant les figures des nouveaux postillons et les chevaux. Ignachka était assis bravement, sautillait sans cesse, agitait son fouet sur les chevaux, criait, frappait du pied, et, en se penchant en avant réparait l’avaloir du bricolier, qui prenait toujours à droite. Il n’était pas de haute taille mais semblait bien bâti. Par-dessus sa pelisse courte il avait une armiak sans ceinture dont le collet était presque rabattu. Son cou était tout à fait nu ; ses bottes n’étaient pas en feutre mais en cuir ; son bonnet, qu’il ôtait et arrangeait sans cesse, était petit, ses oreilles n’étaient cachées que par ses cheveux. Tous ses mouvements décelaient non seulement l’énergie, mais surtout, comme il me semblait, le désir d’exciter en soi l’énergie. Cependant, plus nous avancions, plus souvent il se rajustait, sautillait sur son siège, frappait du pied et entamait le conversation avec moi et Aliochka. Il me semblait qu’il avait peur de perdre son assurance. Et il y avait de quoi : les chevaux étaient bons, mais la route à chaque pas devenait plus difficile, et l’on voyait que les chevaux ne marchaient