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des vieillards rassemblés à l’autre bord, et, accrochant sa faulx à une branche de cythise, lentement se déshabille.

— Où donc ? Où est le noyé ? — dis-je, désirant toujours me jeter là et faire quelque chose d’extraordinaire.

Mais on me montre la surface unie de l’étang, qu’agite rarement un coup de vent. Je ne comprends pas… comment donc s’est-il noyé ?… et l’eau reste toujours la même, indifférente, unie, belle, avec des reflets d’or au soleil de midi, et il me semble que je ne puis rien faire, que je n’étonnerai personne, d’autant plus que je nage très mal ; et le moujik passe déjà sa chemise par-dessus sa tête et se prépare à se jeter à l’eau.

Tous le regardent avec espoir et angoisse. Mais rentré dans l’eau jusqu’aux épaules, le moujik se retourne lentement et reprend sa chemise : il ne sait pas nager.

La foule accourt toujours, elle grossit de plus en plus. Les femmes se serrent les unes contre les autres, mais personne n’apporte de secours. Les derniers venus donnent des conseils, poussent des ah ! et leurs visages expriment l’effroi et le désespoir.

Parmi eux, rassemblés les premiers, quelques-uns s’asseoient sur l’herbe, las d’être debout, d’autres retournent chez eux. La vieille Matriona demande à sa fille si elle a fermé la porte du