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dans les sommets des bouleaux, loin de moi ; le voilà plus près, il agite l’herbe, voilà… il atteint les feuillages des églantiers et frappe leurs branches, et, en soulevant le coin du mouchoir, et chatouillant mon visage, un courant d’air frais accourt sur moi. Sous le coin du mouchoir soulevé pénètre une mouche qui se bat effrayée autour de ma bouche humide. Une branche sèche me gêne sous le dos. Non, on ne peut rester couché tranquille, il faut aller se baigner. Mais, voilà, près du massif même, j’entends des pas rapides et les voix effrayées des femmes :

— Ah, mes aïeux ! Quel malheur ! Et il n’y a pas un homme !

— Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ? demandé-je en courant au soleil vers la femme qui, en poussant des oh ! court devant moi. Elle se retourne seulement, agite les bras et court plus loin. Mais voilà aussi la vieille Matriona ; elle a soixante-dix ans ; en retenant de la main son fichu qui a glissé de sa tête, en clopinant et traînant sa jambe en bas de coton, elle court vers l’étang. Deux fillettes se tenant par la main, et un garçon de dix ans, vêtu des habits de son père, accroché aux jupes de l’une d’elles, en se hâtant suivent derrière.

— Qu’est-il arrivé ? leur demandé-je.

— Un moujik s’est noyé.

— Où ?

— Dans l’étang.